Un chemin pour devenir qui nous sommes

Published by Julia Peyron on

Paysage de San Francisco

Je suis à San Francisco, et je viens vous partager une expérience.

Samedi matin, je suis allée au Zen Center.

J’ai décidé de démarrer mon séjour ici dans un lieu particulier. Un lieu d’ancrage. Un lieu dont je savais qu’il me soutiendrait, qu’il m’aiderait à « arriver ». Ici et maintenant.

Le Zen Center, c’est un temple bouddhiste, au milieu de la ville.

10h : rendez-vous pour un Dharma talk – une personne de la communauté partage son expérience autour d’un sujet donné.

300, Page Street. J’entre. Je découvre le petit jardin calme et vert. Je m’approche de la salle. Il y a de grandes nattes en bambou, des statues de Bouddha, des petits coussins ronds. Je laisse mes baskets à l’entrée. Nous sommes assez nombreux.

Je choisis un coussin, et m’assois en tailleur.

Rien que d’être ici, ça me calme. M’asseoir, sur un coussin. Sentir mon bassin installé, immobile. Prendre une grande inspiration.

La vie, à l’extérieur de moi, m’entraîne souvent dans un rythme fou et dense, me perd et me disperse, souvent je me sens pressée, et je cours. Cela me demande du travail, de revenir à moi. « Coming home to ourselves », c’est ainsi que nous nommons cela, dans mon école de coaching. Revenir chez soi, à l’intérieur de soi. A qui nous sommes réellement.

Alors ici, sur mon coussin, je me sens tenue et soutenue, dans une énergie qui me recentre, qui me ramène à l’essentiel. En deux deux, hop, je me réinstalle dans mon corps. Je n’en bouge plus – je veux dire par là : alors que je me pose dans le silence intérieur et l’immobilité, entourée pour un temps par cette communauté, alors ma pensée cesse de voguer vers mille horizons autres, possibles, stimulants. Je suis là vraiment. Je goûte à cela. Cela a beaucoup de saveur.

La personne qui s’assoit en face de nous s’appelle Mary.

Ce que j’aime, ici, c’est qu’on ne vient pas nous faire de grands discours sur « ce qu’il faut faire ». Mary vient nous parler de son expérience. C’est un partage ouvert, vulnérable, elle parle de ce qu’elle traverse. De ses apprentissages. Et pour moi, ça ressemble à cela, être au monde d’une façon qui a du sens. C’est comme ça que je veux vivre ma Vie. Partager pleinement ce qui est vivant. Dire ma Vérité sans peur d’être jugée. Être reliée aux autres, à la fois au contact de ma singularité et de l’universel.

Je découvre que ce Dharma talk s’intègre dans une vaste thématique, explorée durant plusieurs mois au Zen Center de San Francisco.

« Awake body, awake mind ».

Un corps éveillé, un esprit éveillé. « Eveillé », ça me semble un peu intellectuel… Pour moi ça veut dire : pleinement vivant et présent. Cela m’évoque un esprit profondément au contact ce que nous traversons et du monde extérieur. Et un corps subtilement, consciemment ouvert à tous nos ressentis.

Les mots de Mary, l’effet qu’ils me font, c’est celui d’un chemin d’accès à un ressenti intérieur. C’est un portail vers une expérience délicate, intime. Je m’ouvre à une nouvelle qualité de contact avec moi-même. C’était là, quelque part. J’ai besoin, encore et encore, régulièrement, d’être guidée, pour arriver là. En ce lieu sûr. L’importance de la « pratique », un pilier fondamental dans le Bouddhisme et dans le coaching en développement intégral.

Voici ce qui a résonné pour moi, ce que j’ai envie de vous partager.

1. Vivre en mode « Awake body, awake mind »

Il y a une façon de vivre qui est : « je me lève, je fais les choses que j’ai à faire, je vais me coucher. »

Et il y a une autre possibilité.

Il y a une façon de vivre qui laisse de l’espace à plus de questions. A plus de connexion à tous nos ressentis. A plus de conscience dans nos pensées, choix et actions.

Cela implique aussi forcément plus de contact avec ce qui est difficile pour nous. On arrête de faire semblant. On est vraiment face à nous-mêmes. On apprivoise nos incohérences. Nos tristesses. Nos peurs. Le vide à l’intérieur, et tous les mécanismes qu’on met en place pour éviter de ressentir tout ça.

« Awake body, awake mind ». Ça commence avec cette ouverture. Un tout petit rayon de lumière, qui nous éclaire sans nous éblouir. Qui doucement réchauffe notre cœur.

La bonne nouvelle, c’est qu’en tant qu’humains, nous sommes très nombreux à vivre les mêmes montagnes russes intérieures. Ce qui est nouveau sur ce chemin d’« éveil », c’est qu’on accepte de voir cela en nous, et que nous pouvons être en relation vraie avec les autres. C’est déjà une sacrée révolution.

2. La force de notre volonté n’est pas ce qui nous emmènera là où on veut aller

Dans notre monde moderne occidental, beaucoup d’entre nous avons appris à utiliser la force de notre volonté pour réussir et atteindre nos objectifs. C’est utile et important. Toutefois, lorsqu’il s’agit des engagements centraux de nos vies, lorsqu’il s’agit de devenir chaque jour plus pleinement l’être que nous voulons être, ce chemin ne fonctionne plus.

Un exemple ? Pensons à ces habitudes qui sont un problème pour nous. Peut-être que c’est fumer ou boire du café, surfer sur les réseaux sociaux, être accro à une app, regarder la télé, accumuler les relations amoureuses, manger, consommer des substances psychotropes, procrastiner, faire du shopping, nous juger ou juger les autres, boire de l’alcool… Moi, personnellement, c’est le sucre. Quand j’ai peur, j’ai envie de manger un truc sucré.

Bref : il y a plein de possibilités d’être dans la fuite de ce qui se passe en nous. Ces « habitudes » auxquelles nous devenons accro, c’est une façon normale pour les humains d’éviter d’être au contact de la souffrance qui est en nous. Etre accro à ces formes d’échappatoires, c’est la norme plutôt que l’exception.

Dans mon expérience, ce n’est pas la force de ma volonté qui m’aide face à mon besoin addictif de sucre.

Ce qui m’aide, c’est d’ouvrir un cheminement vers moi-même dans la douceur, la bienveillance, la compassion. Nous avons à aborder ce changement avec douceur, délicatesse. Il s’agit d’ouvrir notre conscience à ce qui se passe en nous, de nous relier au besoin réel qui s’exprime là. Nous ne changerons pas du jour au lendemain. Nous ne désapprendrons pas par une décision de l’esprit des mois, des années d’habitudes de notre corps. C’est lui qui gagne.

Comme le dit Mary : « It is the moving towards change in a gentle way that allows change. » C’est le fait d’évoluer vers le changement avec douceur qui permettra ce changement.

Moi, ce qui m’a soutenue, c’est d’apprendre à me connaître mieux, c’est de parler avec des proches et thérapeutes. J’ai surtout appris à arrêter de me juger, de me dire et redire que j’étais méganaze d’être incapable de faire autrement que d’avoir besoin de sucre. J’ai exploré l’émotion qui était là. J’ai compris que mon corps me disait qu’il avait besoin de quelque chose, et que j’avais simplement utilisé jusqu’à maintenant une stratégie pas ouf pour nourrir mon besoin. Je me suis reliée à l’enfant intérieure en moi, j’ai essayé de comprendre l’élan qui était là. Et de voir la beauté cachée. Voilà un exemple de chemin de douceur.

3. Cultiver un « awake body, awake mind » – un corps et un esprit éveillés

Alors, je voudrais vous partager une façon dont nous pouvons pratiquer la douceur avec nous-mêmes, afin de devenir plus pleinement libres, authentiques, joyeux. Vivants, quoi.

Ça passe d’abord par un énorme désapprentissage. Parce que nous avons généralement appris à être durs avec nous-mêmes. Nous avons appris ça dans notre tête, notre cœur, notre corps. Donc déjà, nous pouvons nous dire : « On va y aller lentement. Petit pas par petit pas. »

Il s’agit d’intégrer de nouvelles pratiques à notre vie. Et petit à petit, ces nouvelles pratiques qui nous font du bien vont remplacer les anciennes habitudes qui nous font du mal. Un jour, on n’aura même pas pensé à faire cette chose dont nous ne pouvions pas nous passer, qui nous structurait et nous donnait cette fausse impression d’être en contrôle, en sécurité.

Cultiver un corps et un esprit éveillés/vivants/présents, cela veut d’abord dire : vivre au contact de nous-mêmes.

Ne pas avoir peur de nous installer dans ce contact avec ce qui se passe en nous – au niveau de la pensée, des émotions, du corps. Et de pleinement ressentir. Il s’agit de nous relier à toute la sagesse qui est déjà là.

« This body and this mind offer all the things that I need », dit Mary. « Mon corps et mon esprit offrent tout ce dont j’ai besoin. » Et quand je me connecte à ce qui se passe en moi, il est fort probable que je découvre que j’ai d’autres besoins et désirs que ce que j’imaginais.

A partir de cet état d’ouverture, nous pouvons nous lancer dans la pratique des « lojongs », dont Mary a beaucoup parlé. Ce sont des affirmations ou « slogans » bouddhistes qui peuvent nous accompagner au quotidien, et qui permettent de cultiver la compassion et la douceur vis-à-vis de nous-mêmes d’abord, puis avec les autres. Mary a pris un petit livre, nous a invités à fermer les yeux pour entendre mieux, et nous en a lu quelques-uns.

« Je suis à ma place, dans toutes les situations de ma vie. »

Voilà un exemple qui me parle particulièrement, parce qu’il y a beaucoup de moments dans ma vie où je ne me sens différente, pas à la hauteur, ou un peu extra-terrestre.

La pratique du lojong vise à petit à petit faire évoluer notre voix intérieure, qui est souvent violente. Nous créons peu à peu un état intérieur différent, au niveau tête, cœur, corps.

« Je suis à ma place, dans toutes les situations de ma vie. »

Avec la répétition, nous changeons, dans la douceur. Nous installons une réalité nouvelle en nous, qui nous amène à des paroles, des actions nouvelles. Et notre monde change.

« Je suis à ma place, dans toutes les situations de ma vie. »

Parce que je n’agis pas de la même façon si j’ai cultivé en moi la croyance d’être bizarre et à côté de la plaque, ou d’être complètement capable de m’adapter dans chaque situation qu’amène la vie – au-delà des mots, sentez la différence de ton.

Pour conclure :

1/ On peut vivre en mode automatique, ou en choisissant de cultiver un corps et un esprit conscients et vivants.

C’est un chemin un peu chahutant, clairement. Mais c’est tellement plus riche, profond, joyeux. Humain quoi.

* Pour se le rappeler : vous pouvez écrire sur un petit papier bristol « Awake body, awake mind », ou toute autre phrase courte qui vous inspire. Et le déposer à un endroit où vous le verrez très régulièrement.

2/ Ce qui nous permettra de changer pour devenir qui nous voulons profondément être, ce n’est pas la force de notre volonté. C’est l’ouverture à la douceur vis-à-vis de nous-mêmes.

C’est pas bisounours ou gnangnan. Pour moi, c’est ça en fait, devenir pleinement humain. Peu d’entre nous ont eu la chance d’être initiés à cela dès le berceau. Mais il n’est jamais trop tard !

* Pour initier ce chemin vers la douceur avec soi-même : je vous invite à découvrir la CNV – Communication Non Violente, avec le livre Les mots sont des fenêtres ou bien ce sont des murs, de Marshall Rosenberg.

3/ La pratique des lojongs peut nous aider à « reprogrammer » notre esprit pour cultiver cette douceur intérieure et créer le changement que nous souhaitons, de façon fluide.

* Pour vous lancer : Le petit livre de Mary, c’est Ani Trime’s Little Book of Affirmations.

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